Santé  
 Génétique  "Ni Dieu, ni Génétique"
   Invasion
  LUCA
  Alphabet
   
 "Ni Dieu , ni génétique", auteur: Crux  Sept 02

 

 Trois questions sur la génétique et la biologie de l'évolution - les deux étant inséparables au niveau moléculaire - qui démontrent les risques du génie génétique. "Ni dieu ni génétique !"
 La soi-disant liberté est au centre des décisions de marchandisation du vivant. Le décryptage du code génétique entraîne la prise de brevets (dépistage du cancer du sein), le diagnostic pré-implantatoire est rendu possible (choix d'un embryon exempt de maladie génétique avant de le développer dans l'utérus d'une mère porteuse), les données génétiques auraient une utilisation sociale (gènes de l'homosexualité, du crime...) Les trois questions posées ici débouchent sur la conclusion selon laquelle les hommes ne sont pas en mesure d'exploiter leurs recherches comme bon leur semble (en dernier exemple : les brevets sur l'ARN interférent).

 1. Pourquoi la "fabrique de l'homme" ne mentionne-t'elle jamais le nom du fabricant ?

En ces temps de copyright et tous droits réservés Ò, l'homme est en effet un produit, relevant d'un certain nombre de procédés de fabrication : contraintes externes et internes, mutation partielle de l'ADN, remaniements chromosomiques. La fabrique de l'homme est un cheminement de la sélection naturelle : il serait absurde de vouloir la breveter puisqu'elle appartient à l'histoire. Tout être vivant a une histoire, qu'elle se résume à une brève division cellulaire ou à une succession d'événements plus sophistiqués : l'histoire, au regard de la sélection naturelle, est toujours celle de l'individu. La majorité des théoriciens (Ernst Mayr pour en citer le plus éminent) sont d'accord entre eux pour ne laisser dans l'évolution qu'une place mineure à la sélection de groupe. La mémoire propre de l'individu, animal ou humain, lui vient de ceux qui l'ont précédé au cours de la succession des générations au sein de son espèce, elle-même issue d'une autre espèce et ainsi de suite jusqu'à l'individu fondateur LUCA, qui inaugure la première mémoire génétique imposée dès lors comme universelle. L'histoire personnelle de l'individu est d'une durée limitée, de l'embryon à la mort, et variable d'un individu à l'autre selon l'espèce. Dans la chronologie de la fabrique de l'homme, on observe un tournant - l'installation du système nerveux en charge des relations ô combien fluctuantes de l'individu avec son monde propre - où le chemin devint brusquement une avenue, celle des hominiens. Sans en connaître les causes, on sait qu'il fut raide : les accidentés de la circulation jonchent le sol de la savane africaine et les plaines d'Asie. La vérité est que nous sommes sur ce chemin parmi tous les autres, et sur aucun autre, et que nous ne savons pas où il conduit.
Le passage du dinosaure terrestre à l'oiseau est un phénomène comparable à celui du couteau à cran d'arrêt. On sait qu'il est possible de refermer le couteau : beaucoup d'espèces d'oiseaux ont perdu la capacité de voler (autruche, manchot...), la régression de l'organe accompagnant la perte de sa fonction. Pour les hommes le couteau à cran d'arrêt s'est ouvert brusquement il y a 6 millions d'années après une progression graduelle. On peut concevoir le fameux cou de la girafe se raccourcissant dans une savane où les végétaux ne dépasseraient pas cinquante centimètres, sans grandes conséquences. Qu'adviendrait-il chez l'humain après par exemple une disparition du langage?

 2. Le génie génétique recherche périlleuse ?

Le génie génétique (pour fabriquer sur les plantes les chimères génétiques ou OGM) considère le vivant comme une matière première, une ressource sur laquelle la liberté de recherche du savant peut s'exercer sans gros problème (cf. la technique de l'invasion décrite en annexe). Pourquoi - pour quelles raisons de fond - les recherches sur le vivant sont-elles tellement périlleuses ?

Parce qu'on ne sait pas d'où vient la vie ni comment elle s'est engendrée à partir de la "soupe primitive" (voir LUCA, en annexe). Parce qu'on ne sait pas fabriquer du vivant pour le moment. Une telle incapacité impose le principe de précaution maximal.
À partir de LUCA, on peut reconstituer la trame de l'histoire, les avatars successifs de la vie, les essais réussis, les disparitions (l'extinction des dinosaures pour la plus connue) et la place du petit rameau qui conduit l'homme au bourgeon terminal - bourgeon parmi des milliers d'autres. On comprend maintenant les mécanismes de l'évolution longtemps demeurés obscurs, notamment le rôle de certains gènes de développement. Ceux-ci, présents très tôt dans les premiers troncs communs, permettent d'établir une continuité (semée de trous, de disparitions, d'accidents, tout ça) entre les formes directement dérivées d'un passé plus ou moins ancien, celles disparues mais retrouvées à l'état fossile, et les nouvelles.
La nouvelle discipline scientifique qui étudie en simultané l'évolution et les gènes de développement - mal nommée "évo-dévo" pour "évolution-développement" - explique, grâce aux gènes de développement à l'œuvre chez l'individu en formation, comment les formes du passé ont évolué en s'associant à de nouvelles structures et à de nouvelles fonctions. L'évolution nous permet ainsi de comprendre le "sens" des structures et des fonctions actuelles, appelées parfois le " sens du physiome ". Ces précisions nous persuadent qu'il n'y a pas de réponse sur les origines de la vie et on peut légitimement craindre n'en avoir jamais. La capacité de fabriquer un jour du vivant dépend de l'aptitude de la chimie à copier l'unité de base, à savoir la cellule.
Il n'est cependant pas exclu que l'on repousse très loin les limites de l'artificiel. Comme démontré par Berlan on ne parle pas ici du clonage, de la fécondation et des manipulations génétiques qui sont des nécro-technologies, mais des prouesses encore en pointillés de la chimie moderne. On vient par exemple de synthétiser des moteurs moléculaires avec seulement cinquante à cent atomes qui fonctionnent comme des moteurs vivants destinés à assurer la mobilité de la cellule et ses transits internes. Ces moteurs sont aptes à utiliser de l'énergie extérieure en respectant les lois de la thermodynamique. Il y a d'autres pistes où l'artificiel imiterait bien les machines du vivant mais rien n'est abouti.

 3. Barrière des espèces et co-évolution ?

Le problème du passage d'un embranchement à un autre soulève une troisième difficulté majeure qui, tout comme la précédente, remet la question de la liberté de marchandisation du vivant à sa place bien mieux que tous les diagnostics d'experts. Pourquoi ?

On perçoit à peu près comment passer d'un mammifère du type antilope à une girafe au long cou, par mutations contingentes et sélection adaptative, en une série de variations infinitésimales qui seront conservées, parce qu'elles procurent à l'animal bénéficiaire des avantages réels sur les autres. En revanche on imagine mal comment des parents qui nagent et vivent dans l'eau peuvent avoir un enfant qui respire et marche sur terre, ni comment un reptile marin va se transformer peu à peu - ou d'un seul coup ! - en oiseau qui vole. Où en est la biologie à cet égard ?
La compréhension de la question des embranchements tient surtout à l'intuition de la différence des échelles. Le spectacle de deux montagnes d'égale altitude situe les données du problème : l'une s'est formée en plusieurs dizaines de millions d'années - voilà les Alpes -, l'autre en quelques jours - tel le volcan de Sumatra. À l'échelle de l'individu il est très difficile de réaliser qu'il a fallu trois milliards d'années à des milliards de milliards d'individus, pour une évolution du vivant dont la formule de base est furieusement stable (voir "l'alphabet à quatre lettres"). Darwin a le premier expliqué que les changements se font de façon graduelle (la nature ne fait pas de saut), jusqu'au moment où pour différentes raisons s'établit la barrière des espèces (c'est en général celle de la reproduction, mais on sait maintenant que ce n'est pas si tranché). La découverte de la notion de co-évolution, où un même gène est impliqué dans différents territoires et organes, a donné un support organique à la conception darwinienne de l'évolution. Mais il existe des périodes où l'évolution s'accélère (les "équilibres ponctués" de Stephen Jay Gould), lors de contraintes violentes, comme une duplication frappant la totalité du génome (tétraploïdisation), une extermination, etc. Lors de leur passage à l'état terrestre, les enfants de poissons ne se sont pas retrouvés brusquement sur quatre pattes à gambader dans la prairie (pour commencer il aurait fallu la prairie, ce qui n'est pas une mince exigence) en respirant à pleins poumons. Les quatre membres existaient déjà sous forme de nageoires, utiles pour se déplacer sur les fonds marins, ainsi que de rudimentaires poumons à partir de la vessie natatoire - celle de poissons qui existent encore dans des eaux de lagunes sujettes à assèchement estival. La notion de monstres prometteurs (idée de Gould) éclaire aussi la compréhension du passage d'un embranchement à l'autre. Dans le cas du reptile qui se fait oiseau, des individus isolés pourvus soudainement d'organes inattendus et sans affectation échappent dans un premier temps à la faux de la sélection naturelle pour ensuite trouver matière à s'employer devant des contraintes nouvelles (par exemple les changements climatiques prévisibles en 2002 pour 2050), et devenir tout à coup une parfaite réussite évolutive.

L'ADN représente l'invariant dans l'univers fluctuant du vivant. L'homme fut peut-être d'abord un hominidé monstrueux, prometteur de cet exemple d'aboutissement : les quatre claviers et le pédalier, deux pieds et dix doigts aux évolutions aussi exactement calées qu'impossibles à suivre, les yeux de la tête pour déchiffrer simultanément les cinq lignes de noirceurs enchevêtrées, la raison fidèle à leur mathématique rigueur, la constance d'un travail invisible sans utilité... et le cœur ivre d'interprétation, substance de notre commune aspiration aux choses de l'infini.

 

 La technique de l'invasion, auteur: Crux  sept 02

 

  Ce qui se passe dans la nature

Chaque gène porté par l'ADN du noyau de la cellule est formé d'une succession de nucléotides, petites unités biochimiques contenant chacune une des quatre bases.

Afin que soit fabriquée la protéine (une hormone par exemple) correspondant à un gène, il faut d'abord que le message qu'il contient sorte du noyau de la cellule.

1. L'étape de la transcription.
La double hélice se déroule partiellement. L'ARN messager est la copie conforme du gène.

2. Une fois la synthèse terminée, l'ARN messager passe du noyau au cytoplasme cellulaire où se trouvent les usines chargées de la fabrication.

3. L'étape de la traduction.
Une nouvelle famille de molécules, les ARN de transfert, reconnaissent les codons sur l'ARN messager porteurs du schéma de montage des acides aminés.

Chaque fois qu'un ARN messager quitte la chaîne de montage, il passe le chantier au suivant. Un nouvel ARN apporte sa contribution et ainsi de suite jusqu'à ce que la protéine soit entièrement synthétisée et libérée dans la cellule.

  Ce que veut faire le marché

1) Fabriquer une paire de bases artificielles en-dehors de la bande des quatre.

2) Intégrer la nouvelle base dans l'ADN naturel.

3) Fabriquer un ARN de transfert artificiel capable de lire les codons qui contiennent les nouvelles bases.

4) L'ARN messager classique ne voit pas la supercherie et le codon-cheval de Troie passe dans le cytoplasme.

5) L'ARN de transfert fabriqué reconnaît le codon aux bases artificielles.
La protéine contient un acide aminé qui n'existe pas dans la nature (le 21ème).

Les entreprises

. Evologic
. Génoscope d'Evry
. Scripps Research Institute (La Jolla - Californie)
. Babel Biopolymers
. Myriad Genetics (Salt Lake City dans l'Utah) a déposé un brevet de dépistage du cancer du sein. Coût : 2400 $ = 15800 FF = 2250 Î

 
Les hommes

. Roger-Gérard Schwartzenberg (ex-ministre MRG de la recherche) n'a pas déposé de loi de transposition en France pour la directive européenne de 1998. Ceci permet aux affairistes de déposer des brevets devant l'office européen desdits.
. Philippe Marlière : " Ce n'est pas en scrutant l'existant angström après angström que nous progresserons, mais en fabricant des biodiversités artificielles et alternatives ". Affirmation très dangereuse, bien entendu soigneusement pondérée : " Les risques ne doivent jamais être a priori écartés. "
. Dominique Stoppa-Lyonnet (Institut Curie, Paris) a identifié le gène BRCA 1 "gratuitement". Voir Myriad Genetics pour apprécier.
. Gilbert Lenoir (centre de recherche sur le cancer, Lyon) : chaque année 1500 personnes utilisent le test de dépistage de certaines formes du cancer du sein et de l'ovaire.

 

 LUCA, auteur: Crux  sept 02

 

 LUCA
le plus vieil ancêtre des cellules terrestres.

 Les trois grandes familles du vivant ont une origine commune.
 Toute cette machinerie alphabétique est née il y a 3 à 3,5 milliards d'années avec LUCA (Last Universal Commun Ancestre). " C'était un organisme complexe qui fabriquait déjà des protéines ", précise pour sa part Patrick Forterre, professeur à l'université d'Orsay et responsable du laboratoire de biologie moléculaire du gène chez les extrémophiles à l'Institut de génétique et de microbiologie. " Notre ancêtre commun le plus ancien était lui-même le produit d'une longue évolution. Il y a eu avant lui d'autres codes génétiques, d'autres bases, mais, pour des raisons qu'on ne connaît pas, il a éliminé tous les autres " ajoute le chercheur.  L'hypothèse d'un ancêtre commun à tous les ancêtres du vivant repose sur l'observation de similitudes très fortes chez les êtres vivants. Ainsi tous sont formés de composés organiques similaires riches en carbone. Leurs protéines sont construites à partir d'un jeu de vingt acides aminés standard. " Cet alphabet est universel pour tous les êtres vivants. Il n'y a aucune exception connue ", explique André Adoutte, professeur à l'université d'Orsay et directeur du Centre de génétique moléculaire du CNRS à Gif-sur-Yvette. " C'est quelque chose qui s'est figé très tôt dans l'évolution, on a constitué toute une bibliothèque. "
 De LUCA sont issues les trois grandes familles du vivant que l'on connaît aujourd'hui : les archéobactéries, les cellules sans noyau (eubactéries) et les plantes et animaux (eucaryotes).
 Qu'y avait-il avant LUCA ? Les chercheurs pensent que la vie à ses débuts utilisait moins d'acides aminés qu'aujourd'hui : une dizaine tout au plus. L'alphabet comportait au départ seulement deux lettres et non pas quatre. Pour obtenir une dizaine de combinaisons il fallait bien utiliser déjà les triplets des codons.
L'alphabet, auteur: Crux  sept 02

 

 L'alphabet à quatre lettres régit la vie sur terre depuis trois milliards d'années.

 Le code génétique n'a pratiquement pas évolué depuis les formes de vie les plus primitives. Il ne s'agit pas d'un optimum atteint par la nature mais du résultat d'un accident de parcours.
 
 Qu'il s'agisse de l'homme, du crapaud, du platane ou du simple microbe (bactérie), tous les êtres vivants écrivent leur histoire dans une même langue biologique faite d'un alphabet de quatre lettres seulement, et pas une de plus : celles de l'ADN (acide désoxyribonucléique), support de l'hérédité dont l'interminable double hélice résulte de la succession des nucléotides.
Quatre lettres, pas une de plus. Leur enchaînement détermine le message héréditaire. L'ADN cantonné dans le noyau commande la fabrication de milliers de protéines - enzymes, hormones, tissus nerveux - qui une fois lâchées dans l'organisme constituent les véritables moteurs de la vie. Mais pour passer du gène à la protéine correspondante il faut changer de langue. Comment le message génétique, écrit à l'aide de quatre lettres, est-il traduit en langage protéique - composé, lui, d'un alphabet de vingt lettres, celles des acides aminés ? C'est toute l'originalité du code génétique décrypté en 1967 par Marshall Nidenberg. Comment fonctionne ce code ? Groupées trois par trois, soit dans l'ordre 64 combinaisons (un menu-carte - entrée, plat, dessert avec quatre entrées, quatre plats, quatre desserts au choix - donne 64 menus différents possibles), les bases nucléiques forment 64 mots appelés codons qui commandent la présence d'un acide aminé dans la chaîne protéique. Un esprit curieux peut s'étonner que 64 mots puissent fabriquer 21 mots d'une autre langue. Bonne objection, naturelle si l'on songe qu'un mot n'a pas le même sens suivant le type de phrase : bon sang de bonsoir, suer sang et eau, bon sang ne peut mentir ou flaque de sang, par exemple, offrent quatre sens différents au mot "sang". La combinaison de ces 64 codons le long de la molécule d'ADN gouverne ainsi la synthèse de milliers de phrases protéiques toutes différentes les unes des autres.
Mais pourquoi ce code, dont les évolutionnistes considèrent qu'il existe en l'état depuis au moins trois milliards d'années, a-t'il cette forme et pas une autre ? Pourquoi quatre bases, pourquoi 21 acides aminés, pourquoi des codons formés de trois bases ?
 " Si le code génétique n'a pratiquement pas évolué depuis les formes de vie les plus primitives, c'est sans doute parce qu'il représentait une sorte d'optimum ", suggère André Brach, spécialiste des origines de la vie au Centre de biophysique moléculaire du CNRS à Orléans. Pour le vivant, ce code constitue un moteur d'autant plus formidable qu'il garantit la séparation, grâce aux deux alphabets - nucléique et protéique - dont il assure la liaison, de deux fonctions essentielles : le "plan de montage" biologique de l'organisme, stocké dans l'ADN et l'ARN messager du noyau, et le système de copie par les ARN de transfert, permettant de fabriquer à volonté les outils chimiques de la cellule que sont les protéines - comme le pétrole, le gaz et le charbon sont ceux de l'industrie chimique.
Le code serait devenu ce qu'il est à la suite d'une succession de contraintes biochimiques, dues notamment à la mise en place des voies métaboliques, extrêmement complexes, menant à la fabrication des acides aminés. Un mélange de hasard et de nécessité dont le résultat est resté inchangé depuis trois milliards d'années.
 
 Exceptions non traitées :
- les mitochondries de la cellule qui possèdent leur propre code sans le code génétique universel ;
- les paramécies dont les codons fabriquent la glutamine, alors que dans le code génétique universel ce sont des formules de codon stop.